Emploi
DES CHANGEMENTS MAJEURS SONT NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE L’ÉGALITÉ DES GENRES
La réalisation de l’égalité des genres dans la santé, le leadership politique et économique et l’emploi, et non seulement de la parité entre les sexes dans l’éducation, est à la base du programme de développement durable. Cette section analyse les questions liées aux inégalités et à l’égalité entre les sexes en mettant l’accent sur trois thèmes – l’emploi et la croissance économique ; le leadership et la participation ; et les relations et le bien-être – qui ont tous trait à l’éducation, au genre et au développement durable. La section met en lumière un certain nombre de défis, pratiques et tendances liés au genre en matière d’éducation, ainsi que d’autres dimensions du développement durable qui doivent être prises en compte afin de pouvoir faire avancer l’égalité des genres et l’autonomisation des filles et des femmes.
L’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie de qualité peuvent permettre aux femmes et aux hommes de participer sur un pied d’égalité à l’emploi décent, à la promotion de la croissance économique, à la réduction de la pauvreté et au bien-être pour tous.
Le développement durable suppose une croissance économique inclusive axée sur le bien-être humain et la survie de la planète. Pour atteindre la cohésion sociale et le changement transformateur, la prospérité doit être conçue de manière à ne laisser personne de côté.
COMBATTRE LES INÉGALITÉS DE GENRE SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Les inégalités généralisées, notamment les discriminations endémiques fondées sur le sexe sur le marché du travail, ont un impact significatif sur la participation des femmes et des hommes dans l’emploi formel et informel. En moyenne, les femmes sont moins bien loties que les hommes lorsque les opportunités d’emploi sont évaluées par des indicateurs utilisés comme mesure indirecte du travail décent, servant par exemple à déterminer si les individus ont un emploi stable, formel, garantissant leur sécurité au travail et la protection sociale de leurs familles, ou un emploi offrant un salaire supérieur au seuil de pauvreté (OIT, 2007).
Dans de nombreux contextes, les femmes travaillent de manière disproportionnée dans l’économie informelle – qui échappe en partie à la réglementation et à la fiscalité gouvernementales – dans les pays qui présentent des niveaux élevés d’informalité (Figure 11), ainsi que dans l’agriculture, sans qu’elles ne possèdent de terres ni d’actifs. Les femmes ont également tendance à être surreprésentées dans les emplois précaires, travaillant à leur compte ou avec un ou plusieurs partenaires, ou en tant qu’aides familiales non rémunérées. Il est nécessaire d’éliminer les désavantages socio-économiques des femmes pour réaliser l’égalité matérielle entre les sexes (ONU-Femmes, 2015c).
Les disparités entre les sexes dans l’emploi informel et précaire varient souvent d’un pays et d’une région à l’autre. Une analyse effectuée pour le Rapport GEM 2016 sur la base des données issues de l’enquête de la Banque mondiale sur les compétences au service de l’emploi et de la productivité (STEP) portant sur les populations urbaines de 12 pays à revenu faible et moyen a révélé que la part de l’emploi informel était la plus élevée chez les hommes en Asie centrale et en Europe de l’Est, mais plus importante chez les femmes en Amérique latine et en Afrique subsaharienne (Chua, 2016). Le travail salarié n’est peut-être même pas suffisant pour échapper à la pauvreté. Parmi les 12 pays, les femmes ont plus de risques que les hommes d’être classées dans la catégorie des travailleurs pauvres (Chua, 2016). En moyenne, la pauvreté chez les femmes est deux fois plus importante que chez les hommes. De vastes disparités sont également observées dans de nombreux pays de l’OCDE, notamment en Autriche, en Finlande, en République de Corée et en Suisse, où deux fois plus de femmes que d’hommes touchent de bas salaires (OCDE, 2016a).
Les femmes sont moins bien loties que les hommes lorsque la mesure du travail décent est utilisée pour faire des comparaisons
L’éducation peut fournir des compétences pour l’emploi…
L’impact de l’éducation sur les revenus est bien établi. Les taux de rendement de l’éducation sont plus élevés dans les régions les plus pauvres, telles que l’Afrique subsaharienne, ce qui montre la rareté des travailleurs qualifiés (Montenegro et Patrinos, 2014). L’éducation formelle de qualité fournit aux individus les compétences et les connaissances nécessaires pour devenir plus productifs. L’achèvement de la scolarité peut aussi être un signe d’aptitude pour les employeurs, donnant accès à des opportunités de travail décent, quelles que soient les connaissances et les compétences effectivement acquises durant les études.
Dans les pays de l’OCDE, les différences en termes de compétences cognitives représentaient 23 % de l’écart salarial entre les sexes en 2012 (OCDE, 2015b). Les différences marquées dans les résultats obtenus sur le marché du travail, telles que les taux de chômage et les salaires, ont tendance à diminuer chez les hommes et les femmes ayant un niveau d’instruction supérieur et similaire (Ñopo et al., 2012; UNESCO, 2014). Mais les différences de niveau scolaire comptent pour une part importante des disparités en matière d’emploi dans certains pays STEP où les femmes sont plus désavantagées du point de vue éducatif. L’analyse suggère que l’égalisation des niveaux d’instruction pourrait réduire les écarts dans l’emploi informel de 50 % au Ghana et de 35 % au Kenya, et faire chuter la pauvreté des travailleurs de 14 % et 7 %, respectivement (Chua, 2016).
…mais les liens entre l’éducation des filles et la participation au marché du travail ne sont pas évidents
La réalisation de la parité entre les sexes dans l’éducation, bien qu’étant importante, n’est pas forcément synonyme d’égalité des genres dans l’activité économique et les opportunités d’emploi. Les pays qui ont connu une croissance rapide du niveau d’éducation des filles n’ont pas observé d’augmentation proportionnelle du travail décent (Figure 12). Au Sri Lanka, les améliorations significatives dans la participation et la réussite scolaire des filles ne s’est pas accompagnée d’avantages sur le marché du travail ; la participation des femmes sur le marché du travail a plutôt stagné ou diminué (Gunewardena, 2015). En Amérique latine et dans les Caraïbes, les améliorations dans l’éducation des filles à tous les niveaux ont joué un rôle important dans l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail, alors qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seul l’enseignement supérieur a eu un impact significatif sur l’augmentation de l’emploi (OIT, 2012). De même, dans les pays d’Asie à revenu élevé tels que le Japon et la République de Corée, la participation des femmes sur le marché du travail est limitée malgré de hauts niveaux d’éducation (Kinoshita and Guo, 2015).
L’analyse de l’enquête STEP a révélé que, parmi les pays de l’échantillon, l’écart entre les sexes dans la réussite scolaire n’expliquait pas les différences de genre dans l’emploi informel ; d’autres facteurs, tels que la discrimination et les normes sexospécifiques, étaient susceptibles de contribuer au fait que les femmes n’aient pas le même accès aux emplois stables et décents (Chua, 2016). Au Ghana, l’éducation et la participation des femmes au marché du travail se sont améliorées depuis le milieu des années 1990. Pourtant, leur taux d’emploi salarié a stagné et leur taux de chômage a augmenté, de même que leur représentation dans l’activité économique informelle et le travail indépendant. Des années d’éducation supplémentaires augmentaient leurs chances de trouver un emploi salarié (Sackey, 2005). Il ressort de l’enquête que l’autonomisation des femmes nécessite des réformes de l’éducation associées à un meilleur accès aux emplois du secteur public, ou des lois garantissant que les employeurs privés offrent des emplois décents (Darkwah, 2010).
L’éducation non formelle peut aider à fournir des compétences pour l’emploi
Les possibilités d’éducation non formelle adaptées aux besoins locaux – programmes communautaires de « deuxième chance », initiatives de micro-financement ou formation professionnelle et apprentissage informel – peuvent fournir des compétences essentielles aux jeunes adultes qui ont été mis en échec par des systèmes éducatifs de mauvaise qualité. Les femmes et les filles, en particulier, peuvent bénéficier de ces programmes, étant donné que les femmes représentent près des deux tiers des 758 millions d’adultes analphabètes dans le monde (UNESCO, 2016d).
En Égypte, le programme Females for Families a identifié les services d’éducation et de santé inappropriés, l’analphabétisme, les mariages précoces et les attitudes négatives à l’égard des filles comme étant les principaux défis auxquels font face les communautés locales. Des formations communautaires ont été proposées aux filles afin de leur fournir des compétences en matière d’alphabétisation et de santé, entre autres. Les filles ont ensuite mis en place des cours d’alphabétisation à domicile répondant aux problèmes quotidiens ; donné des renseignements sur la santé, l’hygiène et la planification familiale ; formé des personnes à la cuisine, à l’artisanat ou à l’agriculture ; encouragé les enfants à retourner à l’école ; et aidé les membres des communautés et des familles à obtenir de petits prêts ainsi que des cartes d’identité et d’électeur. Elles sont devenues des chefs de communauté (UNESCO, 2016c).
L’autonomisation des femmes nécessite des réformes de l’éducation associées à un meilleur accès aux emplois du secteur public, ou des lois garantissant que les employeurs privés offrent des emplois décents
Dans de nombreux pays, en particulier dans les pays pauvres d’Asie et d’Afrique, les femmes représentent une part importante des agriculteurs et des ouvriers agricoles, mais ont moins de chances que les hommes d’accéder aux services de développement et de conseil agricoles (FAO, 2014). En Inde, plus de 250 000 agricultrices ont bénéficié d’un soutien depuis le lancement en 2010 du projet gouvernemental Mahila Kisan Sashaktikaran Pariyojana (Appui aux agricultrices), qui forme des personnes-ressources dans les communautés afin de valoriser, soutenir et renforcer les capacités des femmes en vue d’une production agricole durable (Centre d’éducation environnementale, Inde, 2016).
LUTTER CONTRE LES NORMES DE GENRE SOCIOCULTURELLES POUR UNE PROSPÉRITÉ ÉCONOMIQUE INCLUSIVE
Les différences en matière de participation des hommes et des femmes sur le marché du travail sont déterminées non seulement par la réussite scolaire mais aussi par d’autres facteurs qui influencent les niveaux de salaires : types d’emplois disponibles, accès aux ressources, et préjugés dans les marchés et les institutions (OIT, 2016c ; Banque mondiale, 2011). Les normes culturelles et les discriminations limitent les possibilités pour les femmes hautement qualifiées d’accéder à des postes mieux rémunérés et de s’élever dans la hiérarchie professionnelle (Banque mondiale, 2011). Au sein des institutions, les femmes peuvent rencontrer des difficultés à atteindre les postes de haut niveau, se heurtant à un « plafond de verre ». Les femmes sont relativement peu nombreuses à occuper des postes de direction dans les grandes institutions économiques. À travail égal, des écarts de salaires importants existent entre les hommes et les femmes dans pratiquement tous les métiers (ONU-Femmes, 2015c). Bien que le taux d’achèvement du secondaire soit désormais plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans la plupart des pays de l’OCDE, les écarts de salaires en faveur des hommes restent significatifs dans de nombreux pays membres (Figure 13).
L’éducation peut éliminer les préjugés sexistes dans le monde du travail
L’analyse des tendances professionnelles et éducatives montre que les hommes et les femmes continuent d’être concentrés dans des secteurs différents du marché du travail, tels que l’enseignement (femmes) et les technologies de l’information et de la communication (TIC) (hommes), souvent avec des niveaux différents de statut, de rémunération et de sécurité (Figure 14). Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), cette ségrégation professionnelle a diminué jusque dans les années 1990, puis n’a cessé d’augmenter (OIT, 2012, 2016c). Cette ségrégation a globalement favorisé les hommes en termes de statut et de rémunération (OIT, 2016c), mais tous les hommes n’en profitent pas.
En particulier dans les pays en développement où les normes de sécurité et de santé professionnelles sont moins rigoureuses, les hommes ont plus de risques que les femmes d’exercer des professions dangereuses, par exemple dans l’exploitation minière et la construction, où les taux de blessures, de maladies liées au travail et de mortalité sont supérieurs à ceux des autres professions (OIT, 2009).
La ségrégation professionnelle est liée à l’éducation de base reçue et au choix des disciplines dans l’enseignement supérieur, qui sont toujours marquées par de fortes différences entre les sexes. Dans les pays de l’OCDE, seulement 14 % des jeunes femmes accédant pour la première fois à l’enseignement supérieur en 2012 choisissaient des matières scientifiques, contre 39 % des jeunes hommes. Les filles sont beaucoup moins susceptibles d’envisager une carrière dans l’informatique, la physique ou l’ingénierie – des secteurs clés dans l’économie du savoir (OCDE, 2015a). Aux États-Unis en 1983/84, 37 % des titulaires de licences en informatique étaient des femmes, mais en 2010/11, leur part avait chuté à 18 % (Département de l’éducation des États-Unis). Dans les pays disposant de données sur le choix des matières dans l’enseignement supérieur, la proportion moyenne de femmes parmi les étudiants en pédagogie dépassait 68 %, contre 25 % dans l’ingénierie, la fabrication et la construction (Figure 15).
Ces disparités limitent l’accès des femmes à des professions clés. Elles réduisent également le vivier de talents potentiels pour développer l’innovation verte durable (UNESCO, 2016d).
Les rôles et les attentes stéréotypés liés au genre à l’école et à la maison expliquent en partie la ségrégation éducative et professionnelle. Les processus de socialisation, notamment une mauvaise orientation professionnelle, l’absence de modèles, les attitudes familiales négatives, l’incapacité perçue en mathématiques et la peur d’appartenir à un groupe minoritaire, peuvent influer sur la volonté des filles de choisir telle ou telle discipline.
Les enseignants peuvent influencer le choix des matières. Les cours peuvent permettre aux étudiants de réfléchir de manière critique aux normes de genre, ce qui peut aider à briser les stéréotypes professionnels et à lutter contre la ségrégation fondée sur le sexe. Des initiatives ciblées peuvent encourager l’équité entre les sexes dans le choix des disciplines scolaires telles que la science, les mathématiques et l’informatique (Encadré 2).
ENCADRÉ 2
Initiatives en faveur de la participation des filles aux STEM et STEAM
Durant les dernières décennies, des initiatives nationales ont encouragé les filles et les femmes à s’orienter vers les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, qu’on appelle les matières STEM.
Lancée en 1984, la campagne Women in Science and Engineering au Royaume-Uni soutient la mise en place de programmes d’apprentissage en ingénierie, de bourses pour les étudiantes en ingénierie, d’ateliers sur les carrières dans la construction et l’ingénierie, de ressources pour les enseignants des matières STEM dans les écoles ainsi que d’opportunités de réseaux régionaux pour aider à créer des liens entre les écoles, les universités et l’industrie.
Le programme TechWomen utilise le tutorat, l’échange de connaissances et les réseaux pour mettre en relation et soutenir les femmes dans les STEM en Afrique, en Asie centrale et au Moyen-Orient. Les participantes s’engagent dans des programmes de tutorat basés sur des projets dans de grandes sociétés de technologie aux États-Unis et ont pour mission d’encourager d’autres filles et femmes de leurs communautés à suivre leurs ambitions. Depuis 2011, 333 femmes originaires de 21 pays, dont l’Algérie, le Cameroun, le Liban, le Kazakhstan, le Kenya et le Zimbabwe, ont participé.
En Juin 2016, la Mission des États-Unis auprès de l’UNESCO et ses partenaires a lancé une approche globale de l’enseignement des « STEAM », intégrant les « arts » (et le design) dans l’acronyme afin d’encourager les compétences et les initiatives innovantes et interdisciplinaires.
Sources : TechWomen (2016) ; WISE (2016) ; Commission nationale des États-Unis pour l’UNESCO (2016).
Les politiques peuvent encourager l’emploi des femmes
Bien que les compétences et l’éducation puissent aider à réduire les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, d’autres interventions politiques sont nécessaires, en particulier pour les femmes ayant des emplois faiblement rémunérés, plus précaires, souvent dans le secteur informel, qui bénéficieraient le plus d’une réglementation du marché du travail portant par exemple sur le salaire minimum et les restrictions au droit de licenciement.
De plus en plus de pays mettent en place des lois et des politiques visant à égaliser le statut des hommes et des femmes sur le marché du travail. Presque tous les pays disposent d’un certain type de législation sur le congé maternité ; la plupart interdisent également les discriminations liées à la maternité, telles que le harcèlement ou les pressions exercées sur les travailleuses enceintes ou sur les jeunes mères pour les forcer à démissionner (OIT, 2014).
Ce type de mesures permet d’améliorer les opportunités et les expériences professionnelles des femmes, de réduire la mortalité infantile et d’améliorer la santé maternelle (OIT, 2015). Toutefois, leur application pose problème. Des données récentes montrent que seulement 28 % des femmes employées dans le monde reçoivent une protection efficace sous la forme d’allocations de maternité (OIT, 2015). Pour la plupart des femmes ayant des emplois informels, la législation en matière de congé de maternité n’existe pas.
L’OIT recommande de mettre en place des mesures de protection de la maternité ainsi que des investissements publics pour la conciliation travail-famille, qui aident à améliorer les chances des femmes de trouver des emplois de qualité et à combattre les stéréotypes de masculinité qui sous-estiment l’engagement des hommes dans leur rôle d’éducation (OIT, 2014). Une comparaison entre la Finlande et la Norvège et le Japon et la République de Corée a révélé que les politiques favorables aux familles et les formules de travail flexibles pouvaient permettre à davantage de femmes et d’hommes d’équilibrer leur vie professionnelle et leur vie de famille, de favoriser la fertilité et d’encourager le maintien des femmes sur le marché du travail (Kinoshita et Guo, 2015). Certains pays, comme le Costa Rica, l’Éthiopie, le Mexique et l’Afrique du Sud, répondent aux besoins des plus vulnérables en termes d’équilibre travail-famille en fournissant des services publics de garde d’enfants (OIT, 2014).
Le congé de paternité devrait également favoriser le partage égal des responsabilités familiales entre les parents. En 2013, les hommes ayant un emploi salarié bénéficiaient d’un certain type de congé parental dans 78 des 167 pays. La rémunération du congé de paternité, lorsqu’elle existe, est souvent faible (OIT, 2014). Des études menées dans des pays tels que le Brésil, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni montrent que de nombreux hommes hésitent à prendre un congé de paternité en raison de la perte de revenus ou par peur que cela nuise à leur carrière (Levtov et al., 2015 ; Williams, 2013). Les indemnités réduites et le faible recours au congé de paternité peuvent être liés aux stéréotypes persistants qui veulent que les femmes s’occupent des enfants et que les hommes soient les soutiens de famille.
Le partage des responsabilités parentales peut remettre en question la division basée sur le genre des tâches dans l’éducation des enfants, favoriser l’émancipation économique des femmes et améliorer l’égalité entre les sexes sur le marché du travail en aidant les mères à accéder à l’emploi salarié ou à y retourner, ou à achever leurs études (Ferrant et al., 2014 ; Morrell et al., 2012 ; ONU-Femmes, 2008).
Seulement 28 % des femmes employées dans le monde ont la possibilité de recevoir des allocations de maternité
Les femmes et les filles continuent d’accomplir plus de tâches de soins non rémunérées
Les schémas sexospécifiques des tâches domestiques et de soins non rémunérées sont profondément enracinés, et semblent peu affectés par les niveaux croissants d’éducation des femmes. Une étude portant sur l’augmentation des taux de scolarisation des filles au Bangladesh et au Malawi n’a révélé aucun impact sur le partage inégal des travaux domestiques entre les filles et les garçons (Chisamya et al., 2012). Certains voient en ce déséquilibre la cause profonde des inégalités entre les sexes et de l’accès inéquitable à l’éducation, à l’emploi et aux services publics (Razavi, 2016). Dans de nombreux pays, notamment en Italie, au Japon, au Mexique et au Pakistan, les femmes effectuent au moins deux fois plus de travaux non rémunérés que les hommes (Figure 16) et travaillent un plus grand nombre d’heures que les hommes dans presque tous les pays en combinant les heures de travail rémunérées et non rémunérées (ONU-Femmes, 2015c).
Dans de nombreux pays, les femmes effectuent au moins deux fois plus de travaux non rémunérés que les hommes
Les filles et les femmes assument une part disproportionnée du fardeau des tâches ménagères, y compris des tâches qui prennent beaucoup de temps, telles que la collecte de l’eau et du bois de chauffage, même lorsqu’elles vont à l’école. Cette situation a une incidence sur la participation des filles et leur niveau de scolarité, réduisant ainsi l’égalité dans les résultats. Au Ghana, une étude portant sur quatre cycles de l’Enquête démographique et sanitaire (DHS) (1993/94 à 2008) a révélé qu’en réduisant de moitié le temps consacré à la collecte de l’eau, la participation scolaire augmentait en moyenne de 2,4 % chez les filles âgées de 5 à 15 ans, avec un plus fort impact dans les régions rurales (Nauges et Strand, 2013).
Certaines mesures à petite échelle ont réussi de façon limitée à améliorer les attitudes sensibles au genre et la répartition des travaux non rémunérés des femmes. Un programme d’alphabétisation des adultes mis en œuvre dans les régions rurales au Népal a permis d’accroître la reconnaissance des tâches non rémunérées des femmes par les familles et les communautés en faisant participer les femmes et certains hommes à la collecte de données sur l’emploi du temps des femmes. Ce programme a aidé à obtenir une répartition plus équitable des tâches de soins non rémunérées des femmes dans certaines communautés (Marphatia et Moussié, 2013).
Les filles adolescentes effectuent davantage de tâches domestiques que les garçons, ce qui peut les empêcher de terminer leurs études secondaires. Dans l’ensemble, les données d’une enquête auprès des ménages semblent indiquer qu’entre 40 % et 80 % des adolescents accomplissent des tâches ménagères (jusqu’à 28 heures par semaine) dans les 17 pays à revenu faible et moyen disposant de données ; la part des filles adolescentes qui participent aux travaux domestiques est partout supérieure à celle des garçons.
Le travail décent pour tous exige une perspective d’apprentissage tout au long de la vie
Les politiques de soutien peuvent favoriser l’égalité des genres sur le marché du travail et devraient faire partie d’une approche intégrée contribuant à l’égalité entre les sexes dans et par la scolarité formelle et donnant accès à des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous.
L’éducation formelle, non formelle et informelle tout au long de la vie peut contribuer à l’égalité matérielle entre les hommes et les femmes en offrant à tous, femmes et filles, hommes et garçons, des possibilités d’apprentissage en temps opportun, adaptées et pertinentes. Les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie de qualité sont particulièrement importantes pour les filles et les femmes et pour ceux qui ont été exclus de l’éducation formelle, qui représentent la majorité des individus non scolarisés et/ou dépourvus des compétences de base en lecture et en écriture dans le monde.
Les écarts entre les sexes en matière de compétences de base telles que le calcul sont beaucoup plus importants chez les femmes plus âgées. Dans les pays de l’OCDE, les écarts entre les hommes et les femmes en calcul sont plus faibles chez les 16-24 ans que chez les groupes plus âgés, même après correction des résultats en fonction du niveau d’éducation. En Italie, l’écart ajusté selon le sexe pour les femmes âgées de 46 à 65 ans et de 11 points ; chez les femmes âgées de 16 à 24 ans, l’écart diminue (Figure 17).
Les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie peuvent combler les lacunes résultant d’une scolarité formelle inadaptée par l’acquisition de compétences en lecture et en calcul. La formation professionnelle peut fournir des compétences pour l’emploi, faciliter l’accès à l’emploi salarié, améliorer le statut des femmes au travail et égaliser les conditions de rémunération et de travail, par exemple en permettant aux femmes d’obtenir des qualifications professionnelles en dehors du système éducatif formel. L’apprentissage tout au long de la vie peut améliorer l’autonomie financière, la confiance en soi et l’indépendance des femmes, ainsi que leur participation à d’autres sphères de la vie (UNESCO, 2006).
En Algérie, le programme Alphabétisation, Formation et Insertion des Femmes (AFIF) permet aux femmes d’acquérir des qualifications professionnelles dans des métiers tels que l’informatique, la couture et la coiffure. Il a formé et responsabilisé plus de 23 000 femmes âgées de 18 à 25 ans, en les aidant à s’intégrer sur le marché du travail ou en leur donnant les moyens de générer leurs propres revenus avec le soutien du gouvernement (UNESCO, 2016c).
Le Projet de réforme de l’EFTP au Bangladesh, lancé en 2006, a fourni aux femmes des formations qui leur ont permis d’acquérir des compétences pour l’emploi traditionnel et non traditionnel, par exemple dans l’entretien de motocyclettes. Le projet comprenait une stratégie pour les femmes handicapées, qui a amélioré leur accès physique aux établissements de formation et ainsi renforcé leur confiance en soi, leur emploi et leur statut économique. Les réformes ont donné lieu au lancement, en 2012, de la Stratégie nationale du Bangladesh pour la promotion de l’égalité des genres dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), qui visait à éliminer les stéréotypes sexistes et à créer un environnement favorable et sensible au genre (Commission européenne, 2014 ; OIT, 2013).