Bien-être
Une vie saine, des relations équitables et pacifiques et des communautés inclusives sont des conditions essentielles au bien-être des individus et des sociétés.
Des relations équitables dans les sphères privées et publiques peuvent aider à promouvoir l’égalité des genres dans la participation aux principales activités économiques, politiques et sociales, ainsi que dans l’accès aux services essentiels. En retour, cela améliore la santé et le bien-être des individus et des sociétés.
Des relations fondées sur l’égalité des genres sont essentielles pour la santé des individus et des sociétés
Travailler avec les jeunes par le biais de l’éducation relative à l’égalité des genres, à la sexualité, et à la santé sexuelle et reproductive est très bénéfique pour le bien-être des individus, des familles et des communautés. Cela peut avoir des effets intergénérationnels, les familles et les nouveaux parents transmettant leurs connaissances et leurs compétences pour améliorer la santé et le bien-être des enfants.
Associer les adolescents à des initiatives éducatives formelles et non formelles est crucial pour promouvoir des relations équitables
Nouer le dialogue avec les adolescents et répondre à leurs besoins sont des conditions essentielles pour l’égalité des sexes. L’adolescence est une période de risques et de possibilités, les jeunes façonnant leurs idées et leurs comportements à l’égard de la question du genre (Peacock et Barker, 2014) et étant sujets à une pression accrue s’agissant de commencer une activité sexuelle et d’avoir des relations intimes.
Les décisions relatives à l’éducation, au mariage et à la grossesse peuvent résulter d’une combinaison de facteurs structurels, tels que la pauvreté, les normes sociales discriminatoires, la composition des ménages et l’accessibilité et la qualité de l’offre éducative. Le mariage précoce et la grossesse limitent l’accès des adolescentes à l’éducation et la poursuite de leur scolarité. Une meilleure application des lois relatives au mariage précoce permettrait d’augmenter de 39 % le nombre d’années de scolarité en Afrique subsaharienne (Delprato et al., 2015). Les cas de mariage précoce ont diminué à travers le monde, mais environ 15 millions de filles sont mariées chaque année avant l’âge de 18 ans (UNICEF, 2014). Nombre d’entre elles viennent des familles et des zones rurales les plus pauvres d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud. En 2012, au Niger, 60 % des femmes âgées de 15 à 19 ans étaient mariées (ONU, 2015c).
Au vu des tendances actuelles, d’ici à 2030, près de 950 millions de femmes auront été mariées alors qu’elles étaient enfants, elles sont plus de 700 millions aujourd’hui (UNICEF, 2014).
Une meilleure application des lois relatives au mariage précoce permettrait d’augmenter de 39 % le nombre moyen d’années de scolarité atteint en Afrique subsaharienne
L’éducation formelle doit transmettre des attitudes à l’égard des relations et du comportement sexuel qui respectent l’égalité entre les genres. Une éducation complète en matière de sexualité promeut la sensibilisation aux disparités entre les sexes et l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle fournit des informations, des compétences et des valeurs adaptées au contexte culturel, scientifiquement exactes et exemptes de jugement pour permettre aux jeunes femmes et aux jeunes hommes d’exercer en toute sécurité leurs droits en matière de sexualité et de procréation. En 2009, l’UNESCO a publié avec des partenaires une étude mondiale sur l’éducation à la sexualité, ainsi que des principes directeurs à appliquer dans le cadre des initiatives scolaires et extrascolaires (UNESCO, 2009). Des données récentes indiquent qu’une telle éducation aide à prévenir les conséquences négatives pour la santé sexuelle et reproductive, promeut des relations respectueuses et non violentes et offre un cadre pour discuter des questions liées au genre et aux droits de l’homme (Instituto Promundo et al., 2012).
L’éducation à la sexualité la plus efficace donne aux jeunes les moyens d’être acteur de leur vie et de jouer un rôle de chef de file dans leur communauté, et souligne l’importance de l’égalité entre les sexes et des droits de l’homme (Haberland et Rogow, 2015 ; UNFPA, 2014). Mener une action éducative auprès des garçons et des hommes en matière de santé sexuelle et reproductive peut garantir une grossesse plus sûre et une maternité sans risques, notamment par l’accès à de meilleurs soins de santé pour leur partenaire enceinte (Kato-Wallace et al., 2016 ; ONU-Femmes, 2008).
Les programmes qui combinent de multiples interventions peuvent s’avérer particulièrement efficaces pour modifier les comportements et les attitudes des jeunes (Barker et al., 2007). Comme examiné dans le Rapport mondial de suivi 2015, le projet Young Men as Equal Partners a coopéré avec des communautés pour garantir que les jeunes hommes et les jeunes femmes adoptaient des comportements sexuels responsables grâce à l’éducation et à la sensibilisation dans le domaine de la sexualité, ainsi qu’à des services de santé, à la fourniture de conseils et à la distribution de préservatifs (UNESCO, 2015a).
Une brève sensibilisation à l’allaitement augmentait la proportion moyenne de mères recourant à l’allaitement exclusif de 43 % le jour de la naissance et de 90 % du deuxième au sixième mois selon une analyse portant sur 66 études
Le fait que les mères et les pères soient instruits améliore la santé et le bien-être des familles
L’éducation a des bienfaits intergénérationnels considérables et durables (UNESCO, 2014). L’expansion de l’éducation de base a une dimension transgénérationnelle importante pour la santé publique, comme le montre la relation à long terme entre l’éducation des mères et la santé des enfants.
Il est important d’instruire et d’aider les nouvelles mères et les nouveaux pères pour leur santé et leur bien-être comme pour ceux de leurs enfants. Les programmes de soutien aux mères de jeunes enfants peuvent aider à réduire la dépression maternelle, à améliorer les connaissances sur le développement de l’enfant et à bénéficier à la santé et à la nutrition à court terme et à long terme des enfants, ce qui, en retour, peut améliorer les résultats scolaires (UNESCO, 2015a). L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande l’allaitement exclusif pour les bébés jusqu’à 6 mois au moins pour une croissance optimale. Une analyse systématique de 66 études, dont 27 de pays à faible revenu, a montré qu’une brève sensibilisation à l’allaitement augmentait la proportion moyenne de mères recourant à l’allaitement exclusif de 43 % le jour de la naissance, de 30 % au cours du premier mois et de 90 % du deuxième au sixième mois, les augmentations les plus fortes étant notées dans les pays à faible revenu (Haroon et al., 2013).
Des mères plus instruites ont davantage tendance à demander des soins prénatals, l’assistance d’un praticien médical qualifié pour l’accouchement, la vaccination et des soins médicaux modernes pour leurs jeunes enfants – et sont mieux à même de les protéger des risques sanitaires, par exemple en faisant bouillir l’eau et en évitant les aliments douteux. Des données du Guatemala, du Mexique, du Népal, du Venezuela et de Zambie montrent que l’alphabétisation présage de l’aptitude des mères à lire les messages de santé imprimés, à comprendre les messages radio, à demander des soins médicaux et à expliquer l’état de santé de leur enfant à un professionnel de la santé (LeVine et Rowe, 2009).
Le Rapport GEM a commandé des projections au niveau des pays qui confirment le fait qu’universaliser l’enseignement secondaire pour les femmes aiderait à sauver la vie de millions d’enfants d’ici à 2050, en particulier en Afrique subsaharienne. L’analyse indique qu’universaliser le premier cycle de l’enseignement secondaire d’ici à 2030 pour les femmes en âge de procréer réduirait le taux de mortalité des moins de 5 ans de 68 décès pour 1 000 naissances vivantes à 62 en 2030 et de 51 décès pour 1 000 naissances vivantes à 44 en 2050. Les estimations prévoyant la naissance de 25 millions d’enfants chaque année dans la région d’ici à 2050, cela équivaudrait à une baisse de 300 000 à 350 000 décès d’enfants par an d’ici à 2050 (Figure 21).
La présence des pères et leur implication active dans la famille et les responsabilités liées au soin des enfants peuvent compter pour le bien-être des enfants et des mères, mais aussi des pères eux-mêmes, qui profitent de relations plus affectueuses avec leurs enfants. Selon des recherches, les pères qui prennent le temps de s’impliquer dans le processus de l’accouchement avant, pendant et après la naissance ont davantage tendance à s’occuper de leurs jeunes enfants sur le long terme (Huerta et al., 2013 ; Levtov et al., 2015), ce qui peut jouer un rôle dans le développement de l’enfant et le bien-être de la famille. Des formations sur la paternité et des campagnes d’information peuvent répondre aux doutes des hommes sur les exigences de la paternité et les aider à percevoir les bienfaits d’une participation active à la vie familiale (MenEngage Alliance et al., 2015).
Lancée en 2011, MenCare est une campagne sur la paternité qui touche 40 pays et utilise un type d’éducation non formelle pour promouvoir une participation active, équitable et non violente des hommes en tant que pères et fournisseurs de soins par le biais de campagnes médiatiques, de groupes sur l’éducation des enfants et de la mobilisation de la communauté (MenCare, 2016a). Les pères ayant participé aux initiatives nicaraguayennes indiquent que leur relation avec leurs enfants et leur partenaire s’est améliorée, et qu’ils participent davantage aux tâches ménagères et aux soins des enfants (MenCare, 2016b). En Afrique du Sud, une évaluation du « Fatherhood Project » (Projet paternité), qui encourage les hommes à s’occuper activement de leurs enfants et à les protéger, a révélé que les participants passaient plus de temps avec leurs enfants, étaient moins violents à l’égard de leur partenaire, et assumaient plus de responsabilités ménagères (Jain et al., 2011).
DES RELATIONS FONDÉES SUR L’ÉGALITÉ DES GENRES SONT ESSENTIELLES POUR LE BIEN-ÊTRE DES INDIVIDUS ET POUR DES SOCIÉTÉS PACIFIQUES
Les femmes comme les hommes tirent avantage d’une vie dans une société pacifique où les relations communautaires, les amitiés et les relations intimes sont fondées sur l’égalité et sur le respect et une attention mutuels plutôt que sur la peur, la domination et la violence.
Les violences interpersonnelles et les conflit armés sont des obstacles importants à l’égalité des genres
Le coût des violences interpersonnelles et des conflits armés est élevé. Les différends entre les individus, notamment la violence domestique, feraient neuf fois plus de victimes que les guerres et autres conflits (Hoeffler et Fearon, 2014). Aussi bien les femmes que les hommes subissent la violence à travers le monde, mais ce sont majoritairement les hommes qui détiennent et utilisent la violence (Connell, 2005). Cela ne veut pas dire que tous les hommes sont violents ou que tous les garçons deviendront violents en grandissant, mais les notions socialement construites de la masculinité et du droit à la sexualité des hommes jouent un rôle central en entretenant la violence (Fulu et al., 2013 ; Wright, 2014).
La violence à l’égard des femmes est un problème majeur dans les pays pauvres comme dans les pays riches. Environ un tiers des femmes à travers le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, ou des violences sexuelles d’une autre personne, à un moment de leur vie ; et moins de 40 % d’entre elles ont demandé de l’aide à un moment (ONU, 2015b). Un grand nombre des violences faites aux femmes ont lieu dans le cadre du domicile, mais l’expérience ou la peur du harcèlement sexuel et d’autres formes de violence sexuelle peuvent limiter la liberté individuelle dans les espaces publics, y compris l’accès à l’école et aux possibilités d’apprentissage tout au long de la vie dans les zones urbaines et rurales, en particulier pour les filles et les femmes (ONU-Femmes, 2015a).
Avec le développement de l’urbanisation, il faut garantir des espaces privés et publics sûrs pour tous. Les caractéristiques d’un quartier, y compris l’accès, la sécurité et la proximité des transports publics, des institutions éducatives et des espaces publics peuvent influer sur la capacité des individus à se rendre à l’école ou au travail, à obtenir un accès à des services essentiels, à participer la vie publique et à bénéficier d’activités de loisir, tous ces éléments étant essentiels pour le bien-être, la santé et les perspectives d’avenir. La planification urbaine devrait tenir compte des problématiques liées au genre de sorte que les besoins des femmes, des filles, des garçons et des hommes soient pris en considération dans tous les aspects du développement des infrastructures publiques et de l’économie (ONU-Habitat, 2012 ; ONU-Femmes, 2015a).
La violence sexuelle accompagne souvent les conflits armés, ce qui a des effets dévastateurs sur la santé et l’éducation des adolescentes. Les 51 pays ayant connu un conflit entre 1987 et 2007 ont signalé des actes de violence sexuelle à l’encontre d’adolescentes (Bastick et al., 2007). La violence intime peut être normalisée pendant et après une situation de conflit. L’instabilité, la migration et le fait de vivre ou d’assister très jeunes à ce type de violence entraînent un risque élevé que les hommes la perpétuent (Peacock et Barker, 2014 ; Wright, 2014).
L’éducation, la question du genre et la violence se recoupent de multiples façons
Le recoupement entre violence et éducation est complexe : l’éducation peut inciter à la violence ou aider à l’empêcher ; les écoles peuvent être des lieux de violence ; et le conflit et la violence localisée peuvent avoir un impact fortement négatif sur l’éducation des enfants. Les menaces qui pèsent sur la sécurité des enfants sur leur trajet pour aller à l’école et en revenir, mais aussi dans le cadre scolaire, gênent l’accès des filles et des garçons à l’éducation. La destruction délibérée des installations éducatives est une pratique exécutée depuis longtemps lors de conflits. Les attaques visant des écoles ont été multipliées par 17 entre 2000 et 2014, et les écoles de filles ont été trois fois plus ciblées que celles de garçons (National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism, 2016 ; Rose, 2016).
De nombreuses formes de violence et de conflit perturbent la scolarité. Dans 18 pays d’Afrique subsaharienne, la violence à l’égard des femmes – telle que mesurée par la violence des partenaires intimes, le mariage précoce et les mutilation génitales féminines – a eu un impact négatif sur la scolarité des filles (Koissy-Kpein, 2015).
L’expérience des mères en matière de violence sexiste et leur attitude à l’égard de cette question pèsent sur les résultats éducatifs de leurs enfants. Si une femme accepte la violence lorsqu’elle se dispute avec son mari, la fréquentation scolaire de leur fille diminuera. Aux Comores, au Mozambique et en Sierra Leone, la probabilité d’aller à l’école était, respectivement, 42 %, 25 % et 15 % plus basse pour les filles dont les mères faisaient part de violences de la part de leur partenaire intime par rapport aux autres filles (Koissy-Kpein, 2015).
Selon des données, les hommes ayant des idées plus rigides sur la masculinité risquent davantage d’avoir recours à la violence contre les femmes et les filles, et d’adopter un comportement autodestructeur, tel que la toxicomanie, l’alcoolisme et la conduite à des vitesses dangereuses (Kato-Wallace et al., 2016). Lorsque de nombreux jeunes ne peuvent accéder à une éducation de qualité, la pauvreté, le chômage et le désespoir qui en résultent peuvent conduire les garçons et les hommes à adopter des modes de vie risqués.
Une analyse ayant porté sur 120 pays pendant 30 ans a révélé que les pays ayant une population élevée de jeunes hommes avaient moins de risques de connaître un conflit violent si leur population avait un niveau d’éducation plus élevé (Barakat et Urdal, 2009). En Sierra Leone, les jeunes sans instruction avaient neuf fois plus de risques de rejoindre un groupe rebelle que ceux qui avaient suivi un enseignement secondaire ou plus (Humphreys et Weinstein, 2008). Au Brésil, le nombre des violences et des morts violentes est particulièrement élevé pour les jeunes hommes des zones urbaines, où le manque d’éducation et de perspectives d’emploi peuvent les conduire à entrer dans des gangs et à participer au commerce de la drogue (Imbusch et al., 2011). L’OMS estime qu’à l’échelle mondiale, en 2012, les hommes ont représenté 82 % du total des victimes d’homicide, et les hommes âgés de 15 à 29 ans étaient six fois plus nombreux à être victimes d’homicide que les femmes âgées de 15 à 39 ans (OMS, 2014).
L’Organisation mondiale de la Santé estime qu’à l’échelle mondiale, en 2012, les hommes ont représenté 82 % du total des victimes d’homicide
Les violences sexistes en milieu scolaire doivent être éliminées
Les violences sexistes qui s’exercent au sein et aux alentours des écoles sont graves et répandues. Les actes de violence ou les menaces en milieu scolaire comprennent les violences psychologiques, physiques et sexuelles. Elles ont lieu au sein de l’école mais aussi sur le trajet aller et retour, au domicile et en ligne. Des enquêtes scolaires transnationales à grande échelle sont de plus en plus utilisées pour recueillir des données sur les violences en milieu scolaire. Certains pays disposent de mécanismes de suivi bien établi, mais dans l’ensemble, il existe très peu de données cohérentes sur la prévalence mondiale des violences en milieu scolaire (Leach et al., 2012).
Les violences sexistes en milieu scolaire nuisent gravement à l’égalité des sexes. Elles pèsent sur la fréquentation scolaire et sur les résultats des filles et des garçons dans les pays pauvres comme dans les pays riches (UNESCO, 2015d). Par exemple, les élèves victimes de harcèlement en Afrique du Sud, au Botswana et au Ghana ont des résultats scolaires inférieurs à ceux qui n’en sont pas victimes (Kibriya et al., 2016). De tels actes de violence sont souvent différents selon le sexe : les garçons sont davantage exposés à certaines formes de violences psychologiques et physiques, telles que le harcèlement et les châtiments corporels, et au fait d’être impliqués dans des bagarres, tandis que les filles risquent davantage d’être victimes de violences sexuelles (Kibriya et al., 2016 ; Leach et al., 2012 ; UNESCO, 2015d).
L’Enquête mondiale sur la santé des élèves en milieu scolaire a révélé que de nombreux adolescents, filles et garçons, étaient victimes de harcèlement. Entre 2010 et 2012, les taux auxquels les enfants rapportaient être victimes de harcèlement au cours des 30 jours précédents variaient considérablement, de 11 % des garçons et 15 % des filles à la Barbade, à 69 % des garçons et 79 % des filles au Samoa. Le fait d’être harcelé diffère entre les pays en termes de genre. Au Koweït, au Liban et au Soudan, les faits de harcèlement sont plus élevés chez les filles que chez les garçons d’environ 17 % à 19 %, tandis qu’aux Îles Cook et en Algérie, les faits rapportés par les garçons sont plus élevés respectivement de 5 % et 7 % (Figure 22).
À travers 96 pays, environ un milliard d’enfants âgés de 2 à 17 ans ont été victimes d’une forme de violence au cours de l’année passée
Une analyse des enquêtes internationales menées sur les violences à l’encontre des enfants au cours de l’année précédente dans 96 pays suggère que jusqu’à un milliard d’enfants âgés de 2 à 17 ans, soit environ la moitié de la population mondiale de cette tranche d’âge, avaient été victimes d’une forme de violence (Hillis et al., 2016). Les violences sexuelles incluent le harcèlement verbal et psychologique, l’agression sexuelle, le viol, les relations sexuelles sous contrainte, l’exploitation et la discrimination à l’école et autour. Elles touchent de manière disproportionnée les filles et les femmes et ont un impact négatif et destructeur sur leur expérience de l’éducation et sur leur santé et leur bien-être en général. L’Enquête sur la violence contre les enfants communique les données de neuf pays et montre qu’entre 27 % et 38 % des femmes ont été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans (Sommarin et al., 2014). Dans de nombreux pays, les médias sociaux créent de nouveaux espaces d’intimidation et de harcèlement sexuel, notamment de harcèlement homophobe (Parkes et Unterhalter, 2015), dans le cadre duquel filles et garçons sont, au même titre, à la fois auteurs et victimes des violences et des brutalités. Selon des données récentes, de nombreux élèves lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) sont confrontés à des violences homophobes et transphobes à l’école, ces violences allant de 16 % au Népal à 85 % aux États-Unis. Les élèves qui ne sont pas LGBT mais qui ne correspondent pas aux normes liées au genre peuvent aussi constituer des cibles. En conséquence, de nombreux élèves ne se sentent pas en sécurité dans leur école et ont plus de risques de manquer des cours ou d’abandonner leur scolarité (UNESCO, 2016e).
LES CONTENUS ÉDUCATIFS ET L’ENSEIGNEMENT INFLUENT SUR LES ATTITUDES ET COMPORTEMENTS CONCERNANT L’ÉGALITÉ DES GENRES
Les messages sur l’égalité des genres délivrés par le biais des contenus éducatifs peuvent favoriser des relations basées sur l’égalité des sexes ou au contraire les fragiliser (Encadré 4). Il est ressorti d’une évaluation approfondie menée dans dix pays d’Afrique orientale et australe que nombre de programmes scolaires n’accordaient aucune place aux violences sexistes et aux violences exercées par un partenaire intime. Et tandis qu’un grand nombre de programmes portaient sur les droits de l’homme, très peu abordaient les questions des droits sexuels ou de la diversité sexuelle. La question du mariage des enfants était omise ou peu traitée dans de nombreux pays où il est très répandu, notamment au Kenya, au Lesotho et au Malawi (UNESCO et UNFPA, 2012).
La perpétuation des inégalités entre les genres dans le cadre de la scolarité peut être réduite grâce à la mise en place de formations de qualité avant l’emploi et en cours d’emploi destinées aux enseignants. Ces formations sur l’égalité des genres permettent aux enseignants de s’interroger sur leur propre attitude à l’égard de la question du genre, sur les perceptions et les attentes des enfants, et d’apprendre des façons de diversifier leur enseignement et leurs styles d’évaluation. Il est nécessaire d’observer les classes pour évaluer dans quelle mesure les approches pédagogiques tiennent compte de la problématique du genre, cependant les observations sont souvent coûteuses et difficiles à généraliser. Au Malawi, dans le contexte d’un projet de lecture dans les premières classes, près de 5 000 enseignants de la première à la troisième années ont fait l’objet d’observations dans 11 secteurs en 2014 ; il a été constaté que 28 % d’entre eux n’utilisaient pas un langage approprié et respectueux de l’égalité entre les sexes. Dans les États de Bauchi et Sokoto, au nord du Nigéria, 25 % des enseignants ne donnaient pas les mêmes chances de s’exprimer en classe aux filles et au garçons (RTI International, 2016).
Il a été constaté au Malawi que 28 % de près de 5 000 enseignants de la première à la troisième années n’utilisaient pas un langage approprié et respectueux de l’égalité entre les sexes
Une éducation de qualité tenant compte des genres peut mettre en échec la violence et aider à construire des sociétés pacifiques et inclusives
Un niveau d’instruction global plus élevé peut considérablement réduire la probabilité d’être auteur de violences sur un partenaire intime ou d’en être victime (Capaldi et al., 2012 ; Peacock et Barker, 2014 ; ONU, 2015b). L’Enquête internationale sur les hommes et l’égalité des sexes (International Men and Gender Equality Survey) est un questionnaire transnational complet rempli par les ménages concernant les attitudes et les pratiques des hommes à l’égard de l’égalité des genres. Cette enquête a été menée dans plusieurs pays dont le Brésil, la Croatie, l’Inde, le Mali, le Mexique et le Rwanda. Il en est ressorti que les hommes ayant suivi un enseignement secondaire avaient des attitudes et des pratiques plus respectueuses de l’égalité des sexes, tandis que les hommes moins instruits exprimaient des avis plus discriminatoires sur la question du genre et avaient tendance à être plus violents au sein de la famille (Barker et al., 2011 ; Promundo, 2016a).
Le contenu et la qualité de l’éducation et du savoir fournis sont essentiels pour réduire la violence, et une éducation formelle et non formelle peuvent aider les femmes, les filles, les garçons et les hommes à comprendre, mettre en doute et contester les normes et les comportements relatifs au genre qui sont à l’origine de formes de violence. Les enseignants et les autres éducateurs peuvent promouvoir et valider des notions de la masculinité fondées sur une plus grande attention, favorisant l’égalité entre les genres et remettant en cause la validation de la domination et de la violence (Wright, 2014). Les élèves doivent acquérir des compétences utiles pour faire face aux circonstances qui peuvent mener à des conflits ou à des violences, telles que l’aptitude à exprimer ses sentiments de façon non-violente. En outre, ils ont besoin de structure d’accompagnement pour les aider à prendre position contre les tendances et les croyances discriminatoires et pour les aider à gérer les conséquences potentielles d’une telle prise de position (Plan International, 2011).
« Voices against Violence », un programme coéducatif non formel conçu pour les 5-25 ans, donne aux jeunes les outils et les connaissances nécessaires pour comprendre les causes profondes de la violence, prôner la fin des violences au sein des communautés, et apprendre comment trouver de l’aide s’ils sont victimes de violences. S’appuyant sur des animateurs qualifiés et des responsables de mouvements de jeunesse, l’initiative vise à atteindre 800 000 jeunes à travers 27 pays au sein des écoles et des communautés, en partenariat avec des organisations de jeunes et des gouvernements (ONU-Femmes, 2013b, 2015d).
ENCADRÉ 4
Évaluer l’égalité des genres dans les programmes et les manuels scolaires
Un enseignement qui tient compte de la problématique hommes-femmes est guidé par le contenu des programmes scolaires, des manuels et d’autres matériels pédagogiques, lesquels socialisent les enfants (Brugeilles et Cromer, 2009) et peuvent servir à remettre en cause les stéréotypes liés au genre. Cependant, la plupart des programmes ne traitent pas des questions relatives à l’égalité des genres. Plus de 110 documents cadres de programmes scolaires nationaux pour l’enseignement primaire et secondaire ont été passés en revue dans 78 pays4 pour la période 2005-2015 aux fins du Rapport GEM. Cette analyse s’est concentrée sur cinq thèmes de la cible 4.7 : les droits de l’homme ; l’égalité des sexes ; la paix, la non-violence et la sécurité humaine ; le développement durable ; et la citoyenneté mondiale/l’interdépendance (BIE, 2016). Il est ressorti de l’analyse que moins de 15 % des pays intégraient des notions clés telles que l’autonomisation des femmes, la parité entre les sexes ou la prise en considération de la problématique hommes-femmes, tandis que la moitié mentionnait l’égalité des sexes.
L’analyse du contenu des manuels de l’enseignement secondaire en histoire, instruction civique, études sociales et géographie5 semble indiquer que les thèmes liés à l’égalité des genres sont davantage traités avec le temps (Bromley et al., 2016). La proportion de manuels mentionnant les droits des femmes est passée de 15 % entre 1946 et 1969 à 37 % entre 2000 et 2013. La part de ceux qui font référence aux violences contre les femmes est passée de 3 % à 18 % (Figure 23).
Source : Bromley et al. (2016).
Le Programme H, programme éducatif non formel, cible les hommes âgés de 15 à 24 ans dans le but de remettre en cause et de transformer les attitudes et les comportements stéréotypés en fonction du sexe par le biais de sessions de groupe, de campagnes menées par des jeunes et d’activités de militantisme. Lancé en 2002, il est appliqué dans plus de 22 pays, a été adopté par les ministères de la santé de pays incluant le Brésil, le Chili, la Croatie et le Mexique, et a été mis en œuvre dans plus de 25 000 écoles en Inde. Les jeunes participants ont fait part d’une amélioration de leurs relations, de taux plus faibles d’actes de harcèlement sexuel et de violence contre les femmes, et d’attitudes plus soucieuses de l’égalité des sexes en ce qui concerne les tâches ménagères et la fourniture de soins. En 2006, le Programme M a été lancé pour travailler avec les femmes sur des questions similaires. Les deux programmes promeuvent une réflexion critique sur la diversité sexuelle et l’homophobie (Promundo, 2016b).
L’éducation peut promouvoir des contributions utiles à la consolidation de la paix, à l’accès à la justice et à la protection contre la violence, qu’elle soit à grande échelle ou intime. Cependant, atteindre les sociétés pacifiques essentielles au développement durable nécessite des citoyens et des dirigeants engagés en faveur de l’égalité des sexes. Les chances d’empêcher un conflit augmentent lorsque l’égalité des genres est prise en considération dans les processus de consolidation de la paix. Les initiatives qui luttent contre les formes néfastes de la masculinité et promeuvent les formes non violentes qui valorisent le respect et l’égalité sont nécessaires ; elles devraient associer les individus et les institutions à tous les niveaux, au sein des secteurs et entre eux (Messerschmidt, 2010 ; Wright, 2014).
Les chances d’empêcher un conflit augmentent lorsque l’égalité des genres est prise en considération dans les processus de consolidation de la paix
- Le PIAAC définit six niveaux de compétence : le niveau inférieur au niveau 1, et les niveaux 1 à 5. En matière d’alphabétisation, les individus maîtrisant le niveau 1 peuvent lire des textes courts sur des sujets familiers et « trouver une information précise de forme identique à celle de la question ou de la consigne ». En matière de calcul, les adultes qui atteignent le niveau 1 peuvent effectuer des opérations mathématiques de base dans des contextes communs et concrets, par exemple, des opérations simples ou à une étape qui impliquent de compter, de trier, d’accomplir des calculs arithmétiques de base et de comprendre des pourcentages simples (OCDE, 2016c).
- Aux niveaux les plus élevés (4 et 5) en termes de calcul, les adultes comprennent une grande variété d’informations mathématiques qui peuvent être complexes, abstraites ou apparaître dans des contextes mal connus.
- Le travail domestique des enfants renvoie à des tâches ménagères telles que la cuisine, le ménage et le fait de s’occuper des enfants, mais aussi de ramasser du bois de chauffage et d’aller chercher de l’eau (rapports de pays MICS). Les données sont disponibles dans les tables statistiques du Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2016.
- 18 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, 16 d’Europe et d’Amérique du Nord, 15 d’Afrique subsaharienne, 11 du Pacifique, 7 d’Asie de l’Est et du Sud-Est, 6 d’Asie du Sud, 3 d’Afrique du Nord et d’Asie occidentale, et 2 du Caucase et d’Asie centrale.
- La grande majorité des manuels était issue de la collection de manuels la plus importante au monde, celle de l’Institut Georg Eckert pour la recherche internationale sur les manuels scolaires (Allemagne).